Charles ANGRAND • Le Pont de pierre à Rouen
(Criquetot-sur-Oucille, 1854 - Rouen, 1926)
© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard
Description :
vers 1881
Huile sur toile, 80 x 124 cm
Dimensions avec cadre : 104 x 147 cm
Numéro d’inventaire : PN2008.4.1
Le territoire physique et mental sur lequel se déploie l’oeuvre de Charles Angrand se situe en Haute-Normandie, entre Criquetot-sur-Ouville où il naquit en 1854, Rouen où il fit ses études et ses premiers pas d’artiste, Dieppe et Saint-Laurent-en-Caux où il se retira en 1896, après quatorze ans de fréquentation contrariée de la vie parisienne, enfin Rouen où il termina à partir de 1926 les treize dernières années de sa vie. Il se fit un devoir d’exprimer «la bonne terre normande qui n’est point paresseuse » et, dans le même temps, extraire l’essence même des choses, renoncer aux virtuosités vaines, acquérir le sens de l’ascèse et de la gravité qui lui convenait. Ce sont là quelques pensées qu’il note dans ses cahiers, elles expriment le paradoxe profond dans lequel se déploie son ouvre : un enracinement dans une réalité physique et sociale qui doit se réaliser dans le détachement des traditions stylistiques et des techniques intuitives. «Le tableau doit être avant tout une composition, c’est-à-dire une organisation par l’esprit des lignes, formes et couleurs, en vue d’une harmonie expressive.»
Angrand fait preuve très tôt de cet esprit de synthèse que l’on rencontre dès 1881 dans ce pont de pierre, peint le soir depuis un immeuble du quai de Paris. Angrand est le peintre des convictions, des changements d’avis, des principes théoriques, mais un seul sujet dépasse et enveloppe la pesanteur de ces attitudes. La lumière est, comme dans ses tableaux, absolument unie, entre l’eau des nuages et l’eau des flaques, grâce à ce regard plongé vers la matière : pavement, prés – Le Peintre en plein air et Gardien de dindons sont de la même année, à cent lieues de la technique du crayon Conté qu’il adopta exclusivement à partir de 1895. Il parvient dans cette manière expressive à faire surgir, comme avec le dessin, la lumière de l’intérieur. La touche énergique d’un tourment contenu n’est pas encore vibrante, elle rappelle la manière d’un Monet qu’Angrand aurait bien voulu rejoindre, ainsi que le groupe impressionniste dont il se sentait proche. Celui-ci déclina l’offre, semant probablement le doute chez l’artiste, qui dut se diriger vers d’autres horizons. On comprend ainsi pourquoi Charles Angrand peut être l’homme des chefs-d’oeuvre isolés.