Eugène BOUDIN Le Pont sur la Touques à Trouville

(Honfleur, 1824 – Deauville, 1898)

Tableau Le Pont sur la Touques à Trouville

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
1881
Huile sur toile, 40 x 45,5 cm
Dimensions avec cadre : 62,5 x 77 cm

S.b.g.
Numéro d’inventaire : PN 998.3.1

Parvenu à cette maturité de métier qui dégage une certaine effervescence précieuse, Boudin n’en a pas moins conservé sa manière radicale, cette peinture grise, peu goûtée, que le grand public regarde toujours avec réticence tant les paysages sont trop larges et trop vides, et que le jury parvient difficilement à couronner malgré la fidélité du peintre au Salon. En effet, le peintre ne se résout pas aux sujets modernes qui évoquent l’agitation des machines, de la communication, du mouvement social. Il poursuit tout simplement, dans l’ordre de la permanence, ces mises en page où les motifs de la vie viennent justement donner la stabilité nécessaire au jeu de miroir entre le ciel et la mer.

Boudin aimait la vue de la Touques qu’il peindra des dizaines de fois entre 1880 et 1896, le plus souvent à marée basse, avec ou sans bateaux, mais souvent associée aux laveuses installées au bord de l’eau. Exceptionnellement, l’artiste semble dans cette version dominer, envelopper le sujet; nous ne sommes pas comme à l’accoutumée à la fois au coeur et à distance des éléments. Pour masquer l’austérité des nuances de gris, il a laissé se propager une lumière nacrée qui parfait l’unité symphonique de sa gestuelle. Les touches, minuscules, comme autant de particules en action, font vibrer les détails, libres de toute hiérarchie de la composition.

Avec Le Pont sur la Touques à Trouville, Boudin parachève sa compréhension de la nature. Il poursuit inlassablement le décryptage des signes du temps qui passe et modifie imperceptiblement la vision, de sorte que l’impression rétinienne, la saveur des détails purement physiques et non point anecdotiques emplissent à loisir le tableau. Le peintre se fait, dans ces oeuvres où l’humanité se réduit au trait d’union entre le ciel et la mer, le mémorialiste des éléments.

Le tableau, peint en 1881 – l’artiste a alors 57 ans -, fut acheté par le marchand d’art protecteur des impressionnistes Paul Durand-Ruel. Cet achat marque le début d’une collaboration entre eux; Durand-Ruel rachète alors des tableaux éparpillés et propose à l’artiste qu’il lui livre désormais l’ensemble de sa production.