Joseph DELATTRE La Cale de Petit-Couronne

(Déville-lès-Rouen, 1858 - Petit-Couronne, 1912)

Tableau La Cale de Petit-Couronne

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
vers 1908
Huile sur toile, 28 x 61 cm
Dimensions avec cadre : 50,5 x 83,6 cm

S.b.g.
Numéro d’inventaire : PN 996.4.1

Le critique parisien Arsène Alexandre, à l’occasion d’une exposition de Joseph Delattre en 1902 à Paris chez Durand-Ruel, a parlé de «l’école de Rouen». On sait que des peintres réunis autour de l’enseignement de Delattre avaient trouvé dans leur ville de Rouen suffisamment de motifs – pittoresque des rues, splendide élévation des monuments, plénitude des côtes environnantes et puissance tranquille du fleuve tantôt agrémenté de grues et de péniches, tantôt bordé de bosquets profonds ou d’arbres emblématiques – pour ne pas courir après les occasions du succès parisien. Dans la tradition du naturalisme paysager, ces artistes tels Lebourg, Delattre, Angrand, Lemaître, Fréchon, Dumont, Pinchon, s’attachent à traiter l’atmosphère, malgré la richesse des scènes de genre qui leur sont offertes. Avec ceux de sa génération, Lemaître, Angrand et Fréchon, Delattre prend très tôt le parti de la couleur claire, participe aux expositions des Indépendants, peint en plein air et résiste aux critiques du milieu ambiant. En somme, toute une vie de peintre, indépendant et moderne à sa façon, qui trouverait à Rouen et dans ses environs une unité de lieu, de temps et d’action. Ces artistes ne resterent pas pour autant isolés et le mécène rouennais François Depeaux les associa, au sein de sa collection, à Sisley, Monet, Lebourg et Pissarro.

La peinture de Delattre dont la modestie n’a d’égale que la délicatesse – il ressemble en cela à Corot – révèle une recherche de moyens simples, originaux, faits pour peindre l’air. Parfois évanescente lorsque le sens de la perfection confine à la poésie décorative, sa vision se déroule le plus souvent dans l’espace horizontal à l’aide d’une touche en fibrilles argentées qui condense la lumière. Delattre est bien le peintre de l’eau, de la brume, de la poésie qu’il restitue dans des compositions à la fois libres et très étudiées, aux passages chromatiques raffinés dans lesquels il atteint la précision dans la lumière que maîtrisait si bien son ami Charles Angrand. Grâce à la répétition de ses sujets dans lesquels le motif de la Seine domine, Joseph Delattre a mis au point une technique qui favorise les effets de transparence, d’absorption brumeuse, associée le plus souvent à des tons pastel.

Ici, le format très allongé, dans l’esprit de l’estampe japonaise, favorise un graphisme léger, rapide, vibrant, qui unit barque, eau, ciel et rives. Avec beaucoup d’à-propos, une pratique de l’aplat et un refus des plans illusionnistes, Delattre campe au premier plan un superbe morceau de terre et d’herbe où la couleur est nerveusement tissée dans la touche. Le tableau semble avoir été peint dans les dernières années de sa vie.