Eugène BOUDIN Trouville, la jetée à marée haute

(Honfleur, 1824 – Deauville, 1898)

Tableau Trouville la jetée à marée haute

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
vers 1888-1895
Huile sur panneau, 27 x 21,8 cm
Dimensions avec cadre : 39,2 x 34,5 cm

S.b.g.
Numéro d’inventaire : PN 993.9.1

Dans l’année 1888, Boudin peint au Havre, à Deauville, puis, à la fin de l’année, à Dieppe. Comme à l’accoutumée, il envoie deux peintures au Salon. À Trouville, au mois de juillet, il réalise les Jetées de Trouville à marée basse, d’une facture et d’un esprit identique à ses Jetées à marée haute.

Une autre version un peu plus grande présente le même point de vue, mais le vent est tombé, ce qui modifie la composition des nuages et des bateaux dans le port. Exemplaire dans ce monde du paysage naturaliste, Boudin se place dans une situation de répétition des sujets et des points de vue pour mieux les oublier et cerner ce que Duranty appelle «la notion intime et pour ainsi dire biographique de toutes les variantes du ciel […] Cette notation est un mot que Monsieur Boudin a appliqué à la mer et à ses petits ports».

On dit souvent que les œuvres des années 1885-1895 sont un peu sèches et parfois trop fignolées. Ce peut être vrai pour les grands voiliers du bassin de Deauville sur toile de format respectable, mais rarement pour les petits panneaux où Boudin parvient le plus souvent, comme ici, à pénétrer l’espace de la peinture en cadrant le motif sur la densité chromatique.

Il profite de sa formidable maîtrise des volumes impalpables pour restituer, avec objectivité et détachement, non pas la mutation, le changement, la fusion de l’eau et du vent – toutes choses qui en font un peintre de la mobilité plus que moderne, éternel – mais au contraire, la suspension immobile des voiles imperceptiblement déplacées.

La maturité de la facture confère à ce petit tableau, comme à bien d’autres de la même série, une place double : modeste étude de port niché au coeur de la physique des éléments en Normandie mais aussi, par l’acuité de vue et l’économie de pinceau, morceau de peinture dans un esprit proche de Guardi.