Johan Barthold JONGKIND Bord de mer à Sainte-Adresse

(Latdorp, Hollande, 1819 – Grenoble, 1891)

Tableau Bord de mer à Sainte-Adresse

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
1862
Huile sur papier marouflé sur toile, 27 x 40,5 cm
Dimensions avec cadre : 49 x 63,2 cm

S.b.d.
Numéro d’inventaire : PN 2006.5.1

Les bouleversements dans la technique et dans la vision du paysage français au XIXe siècle ont commencé peu après 1820 avec E. Delacroix, G. Michel, C. Corot; déjà les valeurs claires et ses volumes, la touche indépendante en virgule, la pâte vive issue du geste libre sont à l’oeuvre. J. B. Jongkind, que l’on dit souvent précurseur de l’impressionnisme, avait en 1844 éclairci dans ses premiers tableaux la palette et le métier hérités de son maître Andreas Schelfhout, tout en conservant la hiérarchie du motif et le précis dispositif de description issu de la tradition hollandaise. Il devra son émancipation plastique à la fréquentation d’Eugène Isabey et de sa manière tumultueuse; sous cette influence, la touche de Jongkind s’électrise, elle s’engage dans la conquête de ses ombres noires et de ses contrastes violents, qui ne perturbent pas cependant la stabilité et l’organisation traditionnelle de l’image, comme si ce côté de la peinture relevait d’une autre partie de lui-même. Ses premiers voyages en Normandie datent des années 1850, de même ses problèmes de santé qui perdurent malgré les multiples déplacements entre la France et la Hollande. Le réconfort apporté par la rencontre de sa compagne Joséphine Fesser n’y change rien : Jongkind est un peintre qui souffre physiquement et mentalement, comme déchiré.

Il reste qu’il aura produit entre 1860 et 1880 des ciels, des atmosphères, des lumières qui ont engagé Boudin, Courbet, Monet, Cals, sur la voie d’une approche héroïque du paysage. Malgré cela, Jongkind semble comme piégé par cette organisation mesurée et tranquille au sens stoïcien d’un paysage fourni comme il convient en détails pittoresques : bateaux, arbres, moulins, réduisant ainsi le champ d’expression des affects aux crépuscules, aux clairs de lune orageux. Le génie de Jongkind, s’est, à cause du marché de la peinture, restreint aux ciels et aux nuages. Ecoutons ce qu’il nous dit en 1872 : «Nous sommes fatigués, nous recevons tous les jours du monde et des tableaux à faire […] je ne me porte pas bien et [ressens] constamment un malaise donc je suis de mauvaise humeur, j’espère quand j’aurais terminé le gros de la besogne pouvoir aller à la campagne pour me reposer. » En cette année 1862, Jongkind peindra au moins trois autres Côte de Sainte-Adresse ; ce motif lui réussit. Il inaugure la vision qu’en aura Monet, dix ans plus tard, en 1872, sauvage, grave, austère, celle qui répond le mieux à ses aspirations, au contraire des petits bateaux réclamés par la clientèle.