Paul HUET La Cabane du passeur à Trouville

(Paris, 1803 – 1869)

Tableau La Cabane du passeur à Trouville

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
1851
Huile sur toile, 46,3 x 67,5 cm
Dimensions avec cadre : 80 x 102 cm


Numéro d’inventaire : PN 996.2.1

Paul Huet est bien ce peintre qui va assurer la relation entre les artistes anglais qui, dès la fin du XVIIIe siècle, découvraient par l’exploitation systématique des possibilités de l’aquarelle les horizons nouveaux d’une peinture sans contraintes, et les peintres autour de Barbizon, inventeurs d’un réalisme de la nature. Huet est aussi ailleurs. Il est le premier paysagiste dont le naturalisme total, utilisé comme une méthode d’introspection, s’unit à la ferveur romantique. Peu après sa mort, Théophile Gautier dit de lui «qu’il mêle les tristesses de l’âme aux tristesses des choses, la nature semble souffrir et se plaindre de quelque plainte secrète», cela explique son attirance pour les profonds tourments, les sombres nuages, les rafales, les profondeurs mystérieuses des vallons.

La peinture de Paul Huet représente à son époque une terre d’indépendance et d’expérience à la fois. Étienne Delécluze dans son Journal des débats semblait l’avoir compris paradoxalement en donnant cette critique du peintre : « Aux expositions précédentes, il y avait encore cinq ou six peintres qui vivotaient avec des imitations des paysages de Watteau; mais M. Paul Huet leur a coupé l’herbe sous le pied, et lui seul, à présent, a acquis le droit de peindre des pays, des arbres, des ciels fantastiques et imaginaires. Il est fâcheux que les petites débauches d’imagination de M. Huet parées, il faut dire, d’un coloris fort et brillant, ne soient au fond, comme nous l’avons dit, qu’une continuation de la manière de Watteau. Tout étrange, bizarre et faux même que soit le goût de Watteau, on l’accepte momentanément… et que quelques personnes présentent cet artiste [Huet] comme appelé à ouvrir un champ nouveau à l’art du paysage, lui qui rétrograde de plus d’un siècle et va ressusciter une mode passagère de l’art dont tous les bons esprits ont fait justice il y a longtemps, c’est ce que l’on a peine à comprendre. Cependant, c’est ce qui a lieu.»

Paul Huet, par ses libres allers-retours entre tradition et modernité, trouble le jeu. Ainsi cette Cabane du passeur «maritime et rustique» comme eût dit Baudelaire, dont la composition tend au pittoresque décoratif – comme l’artiste saura en produire pour l’ornement de salon – mais qui garde pourtant, pour reprendre encore Baudelaire dans son « Salon de 1859», «légèreté, richesse et fraîcheur […], un caractère amoureusement poétique». On remarquera, comme chez Daubigny, cette belle et productive contradiction entre un espace très ouvert et la montée pleine et dense du premier plan qui fait se profiler figures et objets sur l’horizon.

Le naturalisme de Paul Huet est bien la transcription en peinture, par des motifs à l’origine pittoresque, de ce que Philippe Burty nomme «la rêverie agissante… l’amour du brouillard et des longs crépuscules… le spectacle de la nature sauvage ».