Pierre DUMONT L'église de Vétheuil

(Paris, 1884 - Rouen, 1936)

Tableau L'église de Vétheuil

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
vers 1924
Huile sur toile, 80,5 x 64,8 cm
Dimensions avec cadre : 97,5 x 82 cm

S.b.g.
Numéro d’inventaire : PN 2009.1.3

Dès 1908, on parle de ce groupe des peintres de Rouen, formé à l’expression sincère par le grand Delattre. Il comprend essentiellement P. Dumont, M. Louvrier, R. Pinchon, amis d’enfance, associés régulièrement à E. Tirvert, M. Couchaux, M. Duchamp, J. Villon, à l’occasion d’expositions de groupe, en forme de manifestes pour une modernité qui trouve toujours et encore, quarante ans après, sa force d’inspiration dans les audaces désormais consommées du naturalisme des impressions. Certains, J. Villon, M. Duchamp, s’orienteront vers le cubisme et la scène parisienne. Mais les amis inséparables poursuivent la traditionnelle exploration du paysage et de la nature morte, dans une relation à la couleur locale où le pittoresque se mue en vérités ethnographiques chargées de notations sensibles. Dans la convention des deux genres qu’ils pratiquent, ces peintres font preuve d’une sincérité et d’une volonté d’enracinement, à l’opposé des tendances universalistes des impressionnistes. De Pierre Dumont, Roland Dorgelès disait que ses empêtements étaient gras comme de l’herbage. La force singulière de sa touche s’appose sur des sujets étonnamment sages, sauf peut-être les natures mortes qui restituent la puissance tellurique des grès et l’envahissement vénéneux des plantes et des fleurs.

Dans l’espace ouvert du bord de Seine où l’on s’attend à vivre tantôt la transparence de l’air, tantôt la brume diaphane, le geste pesant, expressif du peintre, la matière lourde et sombre formulent une sorte de décrochage face au sujet. Ce détachement dont Dumont fait preuve face au registre des impressions, cette décomposition  » tachiste  » de la couleur collent parfaitement au caractère local de la nature morte, mais nous troublent lorsqu’il s’agit, comme l’avait fait Monet, de peindre la cathédrale de Rouen, les bords de Seine, les rues de Montmartre, qui sont déjà devenus des icônes universelles.

En 1924, après s’être installé à Gasny, près de Giverny, Dumont peint encore la vallée de la Seine, de long en large, entre Honfleur et Mantes, comme un acte d’allégeance, un fil à la patte, aux thèmes de Monet qui est encore tout près de là, pour deux ans. Dumont, le plus puissant, le plus tonique parmi les membres de ce petit groupe de Rouen, qui ne fit jamais école parce qu’il n’avait, à la suite de Delattre, qu’une éthique à transmettre, ne fut pas en mesure d’opérer la révolution que ses puissants moyens plastiques lui permettaient.