Victor-Stanislas LÉPINE Paysage

(Caen, 1835 – Paris, 1892)

Tableau Paysage

© Crédits iconographiques Région Normandie /Inventaire général/Patrick Merret – Léonie Hamard

Description :
vers 1890
Huile sur toile, 38 x 55 cm
Dimensions avec cadre : 59,5 x 77,5 cm

S.b.d.
Numéro d’inventaire : PN 2009.7.3

Les tonalités grises de Lépine font partie de ce que l’histoire de l’art officielle appelle l’impressionnisme gris. On les rencontre très tôt déjà dans l’œuvre de Corot. Après quelques débuts sous l’emprise des fonds bitumeux, Lépine devient très tôt un adepte de la couleur claire. Il adopte progressivement la dissociation des touches dont on comprend qu’elle puisse contredire l’unité diaphane et l’atmosphère nacrée que le pays normand révèle à ses yeux. Il aime à considérer les vues larges et les collines sagement agencées dans l’esprit d’une veduta, plutôt que de plonger dans les tourments d’une atmosphère romantique. Comme l’était Corot et comme le sera plus tard Cals, Lépine est un peintre de la réserve, il participe tranquillement au Salon sous l’influence de son marchand le père Martin, qui lui suggère, comme il le fait pour Jongkind, des motifs vendeurs : clairs de lune et bateaux au repos dans les ports. Le comte Doria, protecteur de Cals, aimait et collectionnait Lépine. Les sages vues de Lépine qui le maintiennent en contact avec le Salon, le plus souvent prises à Paris et dans ses environs, alternent avec les sujets saisis dans sa Normandie, qu’il visite régulièrement. En 1873, son Canal de Caen, effet de lune est refusé au Salon, ce qui l’incite à un geste d’audace : participer à la première exposition impressionniste chez le photographe Nadar en 1874.

Quelque part sur un bord de Seine sauvage et déshérité, Lépine ose l’oubli du sujet convenable ou pittoresque pour réaliser ici un paysage mi-rural, mi-industriel, où il n’y a vraiment rien à voir. Loin d’en tirer profit pour une soudaine expression lyrique, Lépine s’attache à noter, en gestes courts et vifs, baignant dans une stupéfiante harmonie vert et gris, des petits riens épars : chien, charrette, buisson, petit pré, qui restituent de façon pathétique et presque grandiose un arrière-pays oublié. Le réalisme à la Zola dont Raffaelli s’était fait une spécialité est ici surpassé, mais avec les armes du plus somptueux naturalisme.